
*Melissa en narration*
Elle éclata de rire, et nous passâmes les minutes suivantes à chanter différents Disney, jusqu'à ce que la porte se ré-ouvre, et laisse entrer Kenneth.
Eléna n'eut aucune réaction facilement remarquable, mais je vis qu'elle frissonnait violemment, comme si elle essayait de refréner ses émotions. Elle me fit un sourire, et je lui serrai fort la main, quand elle passa à proximité de la mienne. Kenneth s'était arrêté à l'entrée, et je vis la place qu'il y avait entre eux deux, celle dans laquelle je pouvais me glisser pour faire partie de leur quotidien.
Je fus heureuse d'avoir eu la force d'attendre et de lutter pour ne pas partir en courant les soirs de terreur, et allai chercher Ken, comme bloqué à la porte. Je lui pris la main, et l'entraînai à l'intérieur, près d'Eléna.
"Allez, parlez maintenant."
*Changement de narrateur, Eléna en narration*
Je relevai la tête brusquement en entendant la voix de Melissa. Evidemment, je n'avais pas manqué le fait qu'elle soit partie rejoindre Kenneth, mais je n'aurais pas pensé qu'elle ait cette réaction. Je vis le regard de mon jumeau fixé sur mon visage, encore camouflé par mes cheveux. Je sus qu'aussitôt que j'aurais repoussé mes mèches, il remarquerait les marques qu'avaient surement laissée ma crise de larmes. Je gardai donc la tête baissée, mais l'entendis approcher, pas à pas. Il se plaça derrière moi, et me prit par les épaules pour me rapprocher de lui. Collé contre mon dos, il me serra de toutes ses forces dans ses bras, presque à m'en faire mal, en me marmonnant, la voix cassée par les larmes, "Arrête ça. Tu me fais autant de mal que tu t'en fais.". Ce à quoi j'envisageai de répondre "Et comment je fais?", mais j'entendis dans le léger tremblement de sa voix que ce n'était pas le moment de reprendre la conversation. De plus, je n'avais aucune envie de me battre avec mon jumeau. Je me tus donc, et nous nous contentâmes de préparer le repas, calmement, épaule contre épaule. La soirée s'écoula rapidement, le silence uniquement meublé par la télé et le bruit de la vaisselle. Les reliefs du repas rangés, je m'éclipsai pour aller courir sur la plage, et rentrai tard, moulue, mais heureuse.
*Changement de point de vue, Melissa narratrice*
Deux semaines avaient passé depuis mon retour dans cette ville, et je m'y plaisais de plus en plus. Un quotidien s'était installé, nous profitions beaucoup de la plage Kenneth et moi, et passions de nombreuses heures à lézarder au soleil, ou à marcher les pieds dans l'eau. Je commençais à comprendre pourquoi Eléna et lui étaient tombés amoureux de Seignosse. Les volets fermés s'ouvraient peu à peu, ainsi que les échoppes, et la ville gagnait chaque jour en vie.
J'aimais aller me promener le soir sur la plage, pour profiter des couchers de soleil, la musique dans les oreilles pour me sentir m'évader. J'avais pris l'habitude de le faire chaque soir, et parfois Eléna ou Kenneth m'accompagnaient. Pour l'heure, j'étais seule, en train d'avancer paisiblement sur la dune, quand je vis de loin un jeune couple, qui semblait irradier le bonheur.
Elle tournoyait sur elle-même, riant aux éclats. Le vent faisait voler ses cheveux, lui cachant le visage d'un épais rideau que le soleil couchant rendait flamboyant. Il lui tenait la main, l'accompagnant dans ses pirouettes rieuses, la dévorant du regard. Il riait, lui aussi, et je m'arrêtais pour les regarder, car, dansants sur la plage, libres et semblant plus joyeux que quiconque, ils étaient un superbe spectacle. Arrêtant de danser, elle le tira soudain par la main, et l'entraina au bord de l'eau. Son short se fit tremper par une vague vicieuse, mais elle se contenta de rire plus fort encore, et de remonter son tee-shirt pour lui éviter de subir le même sort. Le garçon éclata de rire, et la serra dans les bras, se faisant éclabousser au passage. Ils finirent par s'éloigner, toujours main dans la main, riants aux éclats, irradiants le bonheur.
Je repris ma marche silencieuse, me demandant à qui le garçon me faisait penser. Et après quelques minutes, alors que je chantais « On my way » à plein poumons, la réponse s'imposa à moi. Ce jeune homme là était le sosie d'Antoine. Ce mystère éclairci, je me sortis ce jeune couple de l'esprit, et fis demi tour car le soleil s'était couché.
Une fois à l'appartement, je remarquai vaguement qu'Eléna n'était pas là, mais n'y fis pas plus attention que ça. Elle sortait souvent, pour rentrer la nuit tombée. Je rejoignis Kenneth dans la chambre, et nous nous lançâmes dans une conversation passionnée sur Star Wars, qui ne fut pas même interrompue par le retour d'Eléna. J'entendis la porte se fermer, mais l'assimilai à un bruit de fond, comme le fit Kenneth, et nous nous endormîmes paisiblement.
Quand je me réveillais le lendemain, l'appartement était désert. Un mot me signalait que Ken était parti au marché, pour nous éviter de devoir y aller plus tard dans la journée, et Eléna était au travail. Je m'habillai rapidement, avalai un bol de céréales, et partis en direction de la plage. Sur le chemin, je rejoignis Antoine et Yéléna qui avançaient vers le poste. Nous engageâmes la conversation, et, le couple de la veille me revenant en mémoire, je demandai, sans trop savoir pourquoi :
« Je me pose une question stupide, mais bon. Hier, je me promenais sur la plage, et j'ai vu un couple en train de danser dans l'eau. C'était pas vous par hasard ? »
Ils répondirent au même moment, Antoine lança un « si » tandis que Yéléna répondait par la négative. Yéléna gratifia Antoine d'un regard surpris, et je m'empressai de m'excuser de ma question indiscrète. Elle me dit que ce n'était pas un problème, tandis qu'Antoine semblait perdu dans ses pensées, un léger sourire flottant sur ses lèvres. Je me rappelai alors que le jeune couple que j'avais croisé la veille ne s'était pas embrassé une seule fois. Et que les cheveux de la jeune fille semblaient beaucoup trop clairs par rapport à ceux de Yéléna. Insidieusement, la question du "Mais qui était-ce?" me traversa l'esprit. Une réponse me vint instantanément, mais je la repoussai, fermement, refusant de me laisser envahir par le doute. Elle persista pourtant, et me pourchassa le restant de la journée, jusqu'à ce que j'aille me coucher, jusqu'au moment où le sommeil m'envahit.